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lundi 18 novembre 2019

Commentaire arrêt STC - Pitor Amélie

Amélie PITOR


Commentaire d’arrêt - Arrêt n°2391 12 décembre 2016 (16-25.793) - Cour de cassation - Chambre sociale


La chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser le 12 décembre 2016, les contours de la reconnaissance de l’invalidité du critère du respect des valeurs républicaines d’une organisation syndicale en lui consacrant un apport nuancé.

Le Syndicat des travailleurs corses (STC) a déposé sa candidature auprès des salariés des très petites entreprises (TPE) en vue du scrutin national organisé par le ministère du travail[1], de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, afin de mesurer l’audience des organisations syndicales et apprécier leur représentativité. Par une décision du 1er juin 2016, la direction générale du travail déclare recevable la candidature du STC, puis sa propagande électorale par décision du 16 juin 2016. Les confédérations CFDT, CGT, CFTC et FO saisissent le tribunal d’instance de Paris 15e[2] d’une demande d’annulation de la décision de la direction générale du travail.

Ce tribunal d’instance invalide la candidature du STC au scrutin national. Or, par un arrêt de la chambre sociale du 9 septembre 2016, la juridiction censure le jugement[3]. Le 4 novembre 2016, le tribunal d’instance de Paris 15e, autrement composé, rend sur renvoi après cassation[4] du précédent jugement, un jugement rejetant la requête des demandeurs. La CGT forme alors un pourvoi en cassation.

La confédération demanderesse motive son pourvoi au regard du grief suivant.

Tout d’abord, la CGT affirme que le tribunal d’instance aurait dû lui accorder le bénéfice de l'article L. 1134-1 du Code du travail. En effet celui-ci permet, en matière de discrimination, un aménagement de la charge de la preuve en faveur du salarié lorsqu'il présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Il reviendra alors à l'employeur de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Pour la CGT, le STC aurait dû alors prouver l'effectivité du respect des valeurs républicaines en démontrant l'absence de différence de traitement ou si elle était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

De plus, la CGT fait grief au tribunal d’instance d’avoir jugé que le STC ne manquait pas aux valeurs républicaines alors que des pièces attestées de la promotion de la « corsisation des emplois » par le STC, démontrant selon elle, une discrimination liée à l’origine du salarié.

Enfin, la CGT affirme que les actions militantes (grèves contre les mutations de français continentaux en Corse, entretien d'un responsable syndical du STC qui expose la volonté d'établir une « corsisation des emplois ») du STC visant à revendiquer la « corsisation des emplois » représente la poursuite d'un objectif illicite dans son action, par une discrimination liée à l'origine.  

La chambre sociale rappelle tout d’abord que la charge de la preuve de l’absence des valeurs républicaines d’une organisation syndicale pèse sur celui qui l’invoque. De ce fait, la Haute juridiction affirme qu’un syndicat qui prône des discriminations directes ou indirectes en raison de l’origine du salarié méconnaît les valeurs républicaines. Or la confédération demanderesse n’ayant pas apporté la preuve suffisante que le défendeur poursuivait un objectif contraire aux valeurs républicaines en prônant des distinctions fondées sur l’origine, la chambre sociale rejette le pourvoi de la confédération demanderesse.

Un syndicat revendiquant une priorité d’embauche au profit de travailleurs d’une région géographique déterminée respecte-t-il la condition du respect des valeurs républicaines pour l'effectivité de sa représentativité ?

La Haute juridiction répond affirmativement quant à la validité de la condition du respect des valeurs républicaines (I). Elle vient cependant préciser les règles relatives à la charge de la preuve en matière de contestation du respect des valeurs républicaines d'un syndicat (II).

I - Le rejet patent de la validité du non-respect des valeurs républicaines

Ce rejet s’analyse d’une part au regard de la consécration d’un élément de définition de la notion (A), et d'autre part par l’insuffisance des preuves apportées (B).

A - La consécration nuancée d’un apport à la définition de la notion

            La chambre sociale affirme au sein de sa décision que : « méconnaît les valeurs républicaines un syndicat qui prône des discriminations directes ou indirectes, en raison de l’origine du salarié ». Elle affirme ainsi pour la première fois et de manière explicite, que les discriminations liées à l’origine sont contraires aux valeurs républicaines.

Au regard de l’arrêt « FN - Police » du 10 avril 1998, il faut envisager que le présent arrêt constitue une avancée. En effet, l’arrêt « FN - Police » expose clairement qu’un syndicat ne peut poursuivre des objectifs contraire aux principes de non-discrimination. De même que la chambre mixte a affirmé, toujours au sein de ce même arrêt, que le FNP prônait des distinctions fondées sur l’origine nationale.

Cette conception a été reprise par la Position commune des partenaires sociaux de 2008 qui a précisé que « le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ».

Or, par l’arrêt du 12 décembre 2016, la chambre sociale exprime, cette fois-ci explicitement que les discriminations liées à l’origine du salarié sont contraires aux valeurs républicaines. Sur ce point, la note explicative de la chambre sociale est limpide : «  Ce faisant, le présent arrêt donne pour la première fois un élément de définition de la notion de respect des valeurs républicaines en décidant (…) que le refus des discriminations selon l’origine des salariés est une composante du respect des valeurs républicaines ». Il est donc possible d’entrevoir ici un apport à la définition de la notion du respect des valeurs républicaines. 

Même si, comme la note explicative précédemment citée l’expose, le présent arrêt est dans la lignée de l’arrêt « FN - Police » ainsi que des précisions apportées par la Position commune en 2008. Cela constitue finalement une explicitation logique de la jurisprudence antérieure.

D'autant plus que la définition de la notion du respect des valeurs républicaines apportée par la Position commune est de nature globale, certaines incertitudes pèsent sur les exacts contours de la notion. L'affirmation que les discriminations directes[5] et indirectes[6] en raison de l'origine du salarié d'un syndicat sont contraires au respect des valeurs républicaines permet ainsi d'affiner la définition de la notion.

L’apport de précisions à cette notion peut alors être vu comme protecteur de la liberté syndicale au regard du fait que les syndicats pourront mieux appréhender la notion, et ainsi la respecter et remplir ce critère en vue de l'acquisition de la qualification juridique de syndicat et/ou du caractère représentatif du syndicat[7].

De plus, comme Yannick Pagnerre[8] l'expose, la Cour de Cassation ne se contente pas d'apporter un élément de définition à la notion. En effet, la Haute juridiction emploi le terme « prôner » dans sa consécration. Ce qui n'est pas vide ce sens. Puisque comme l'article précédemment cité l'évoque, le terme « prôner » renvoie à « préconiser, recommander », « vanter publiquement et avec insistance quelque chose pour convaincre de son excellence, de son utilité ».[9]

De ce fait, de simple propos sembles condamnables au regard de l'apport du présent arrêt, mais également de la jurisprudence européenne pour qui des propos discriminatoires suffisent à commettre une discrimination[10]. Ce qui va donc à l'inverse du raisonnement des juges du fond qui avaient différencié la provocation à la discrimination et la réalisation de la discrimination.

Cela est finalement assez protecteur, ce qui est peu étonnant au vu de l'engagement de la France dans la lutte contre les discriminations[11].

Malgré cette affirmation assurément protectrice, la Cour de cassation ne semble pas tirer les conséquences de celle-ci.

B - L’insuffisance peu surprenante des preuves

La chambre sociale estime : « qu’ayant fait ressortir que les éléments produits par les confédérations requérantes étaient insuffisants à apporter la preuve que l’action syndicale du STC dans les entreprises prônait des distinctions fondées sur l’origine, ce dont il se déduisait que ce syndicat n’avait pas poursuivi un objectif contraire aux valeurs républicaines ». La Cour de cassation perpétue ainsi une jurisprudence ferme à l’égard de la validité des preuves sur le non-respect des valeurs républicaines.

En effet, il est possible de considérer que la jurisprudence retient une acception restrictive de la notion, notamment au regard de l’arrêt CNT. Dans cet arrêt, la Cour de cassation approuve le tribunal d’instance d’avoir jugé que ne manque pas au respect des valeurs républicaines, un syndicat dont les statuts mentionnent l’action en vue de « l’abolition de l’État » avec « une action directe ». Par une approche littérale et à leur simple lecture, ces mentions apparaissent visiblement contraires au respect des valeurs républicaines, notamment au regard des principes protégés par la Constitution telle que la souveraineté nationale.

Pourtant, la Cour de cassation a consacré dans ce même arrêt la jurisprudence selon laquelle la preuve ne s’établie plus au regard des statuts du syndicat défendeur. Effectivement, elle s’établie au regard de l’action concrète de celui-ci, pour établir s'il poursuit un objectif illicite.

Or, en l’espèce et tout comme l'arrêt CNT, il est critiquable que la Haute juridiction rejette la prise en compte des statuts du STC lorsque ceux-ci mentionnent le « Peuple Corse » ainsi que la volonté d’une « corsisation de l’emploi ». Jean Mouly souligne sur ce point que « le syndicat paraissait bien porter atteinte à des principes ayant valeur constitutionnelle, et notamment à ceux d'indivisibilité de la République et d'égalité des travailleurs ».

De ce fait, la non-prise en compte des statuts que perpétue la chambre sociale, s’il n’y a pas d’action concrète du syndicat défendeur, semble prolonger la stricte interprétation de la notion du respect des valeurs républicaines en réduisant le champ de la preuve des demandeurs.

Il convient alors de s’interroger sur la notion d’action concrète employée par la jurisprudence, qui reste assez obscure et semble restreindre les possibilités de démontrer le non-respect des valeurs républicaines.

En comparaison avec le critère de l’influence de l’article L. 2121-1 du Code du travail caractérisée en partie par l’activité, la Position commune évoque qu’elle s’apprécie « au regard de la réalité des actions menées par le syndicat ».

En l'espèce, le STC a réalisé des grèves concrétisant les mentions de ses statuts en vue de la promotion de la « corsisation des emplois ». Ces actions semblent bien, en apparence, être concrètes puisqu'elles ont été réalisées. Néanmoins, l'arrêt ne paraît pas se focaliser à proprement parlé sur la concrétisation des actions, mais sur la licéité de l'objectif de celles-ci. Le droit de grève étant un droit fondamental à valeur constitutionnelle[12], le STC a exercé une action concrète dans un cadre (celui du droit de grève) licite mais avec un objectif qui continue de questionner. De même en promouvant la « corsisation des emplois » par le biais de ses représentants, le STC ne fait qu’exercer sa liberté d'expression[13] bien que le contenu du message continue à interroger.

Ce n'est seulement que l'illicéité de l'objectif des actions concrètes qui finalement permettra d'invalider le critère du respect des valeurs républicaines et pas seulement la concrétisation des mentions litigieuses par des actions.

Or, la CGT n'ayant pas apporté la preuve de l'illicéité de l'objectif des actions concrètes du STC, le rejet du pourvoi pour insuffisance des preuves apparaît logique.

« Dès lors, on imagine mal quelle preuve pourrait être rapportée pour démontrer l’existence de pratiques concrètes contraires aux valeurs républicaines. Une telle preuve semble alors impossible » dénonce les auteurs de la chronique de droit des discriminations[14]. Ce qui finalement, laisse penser que « l'exigence (du respect des valeurs républicaines) est plus symbolique que réellement contraignante »[15] au vu de la difficulté à démontrer son non-respect.

Néanmoins, la perpétuation de cette jurisprudence semble protectrice de la liberté syndicale. Puisque en effet, une acception souple de la notion du respect des valeurs républicaines pourrait aisément porter atteinte à cette liberté fondamentale, en jugeant de ce fait assez simplement la non-représentativité d’un syndicat.

Outre le rejet du présent pourvoi, la Haute juridiction est venue préciser le régime applicable quant à la charge de la preuve.

II - La charge de la preuve pesant intégralement sur le demandeur

La charge de la preuve du non-respect des valeurs républicaines doit être apportée par le demandeur (A), sans bénéfice de l’article L. 1134-1 du Code du travail (B).

A)   Le nécessaire apport de la preuve par le demandeur

            La chambre sociale affirme que « c’est à celui qui conteste le respect, par une organisation syndicale, des valeurs républicaines, d’apporter la preuve de sa contestation ». Elle expose donc clairement qu’il revient à la CGT d’apporter la preuve du non-respect des valeurs républicaines par le STC.

Cette affirmation n’a rien d’une innovation. En effet, dans un arrêt du 8 juillet 2009, la chambre sociale était déjà venue apporter cette précision[16].

La Cour de cassation affirme d'autant plus dans son rapport de 2009[17] que : « le critère de respect des valeurs républicaines est soumis à un régime probatoire différent des autres critères (...). C'est en effet à celui qui le conteste de prouver en quoi l'organisation syndicale ne remplirait pas ce critère. À défaut, ou si aucune contestation particulière n'est élevée sur ce point par une partie, le juge n'a pas à vérifier que l'organisation syndicale répond à cette condition, qui est intrinsèque à son existence même. La chambre sociale avait adopté la même position s'agissant de l'ancien critère, devenu obsolète, de l'attitude patriotique pendant l'occupation ». Un syndicat bénéficie alors d'une réelle présomption du respect des valeurs républicaines puisque cette condition est intrinsèque à son existence même, comme le confirme un arrêt du 13 octobre 2010[18].  

Il faut de plus ajouter, que cette affirmation n’a rien de surprenant. En effet, depuis la loi du 20 août 2008, le respect des valeurs républicaines est un critère de validité pour qu’une organisation syndicale puisse être représentative. Cette représentativité donne des prérogatives importantes aux organisations syndicales en faisant d’elles des acteurs privilégiés de la négociation. Or, si le défendeur devait attester de la validité du critère, cela serait une entrave à la liberté syndicale.

Cela se confirme au regard du fait qu’apporter la preuve d’un fait négatif, en l’occurrence que le STC n’a pas manqué de respect aux valeurs de la République, se rapporte à une probatio diabolica[19]. Ainsi, comme l’évoque Gwendoline Lardeux : « en de telles hypothèses, le renversement de la charge de la preuve devrait être systématique, l'autre partie devant prouver l'existence du fait positif contredisant l'allégation de son adversaire »[20].

En laissant le soin au demandeur d’apporter la preuve du non-respect des valeurs républicaines par une organisation syndicale, la Haute juridiction protège cette liberté fondamentale.

Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, cette solution n'est de plus pas unique. Elle retient la même solution en matière de « contestation du respect des valeurs républicaines pour la constitution d'une section syndicale, la désignation du représentant idoine ou pour la présentation d'une liste de candidat aux élections professionnelles, c'est-à-dire pour l'établissement des premiers critères de la représentativité[21] » précise Bertrand Ines[22]. Quant aux critères de représentativité, c'est également la même solution qui est retenue pour les critères de l'indépendance et de transparence financière[23]. La même jurisprudence est de plus appliquée lorsque le demandeur est un employeur[24].

Si le choix de ce régime probatoire apparaît comme l'œuvre d'une protection notable de la liberté syndicale, elle est au détriment manifeste des lois relatives à la lutte contre les discriminations. En effet, en matière de discrimination le régime probatoire est spécial, avec un aménagement de la charge de la preuve en faveur de la victime[25].

Or en l'espèce, Yannick Pagnerre précise que la Cour de cassation « impose au demandeur une charge probatoire complexe, celle de démontrer que l'action apparemment discriminatoire n'est pas justifiée par un motif légitime et que les moyens sont disproportionnés »[26].

Si le refus du bénéfice de l'article L. 1134-1 du Code du travail est en soit logique, cela va dans la continuité d'une charge de la preuve non-aménagée de manière traditionnelle au regard du droit de la discrimination en matière de contestation du respect des valeurs républicaines par un syndicat.

B - L’exclusion du bénéfice de l’article L. 1134-1 du Code du travail

            Au sein de son pourvoi, la CGT demandait le bénéfice de l'article L. 1134-1 du Code du travail qui permet un aménagement de la charge de la preuve en faveur de la victime d'une discrimination.

La CGT invoque alors une violation de l’article L.1134-1 du Code du travail en contestant le fait que le tribunal d’instance n’ait pas recherché si le STC avait justifié de l’absence de différence de traitement ou justifié cette dernière par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Cet article dispose que « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte » et « au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

En affirmant qu’il incombe à celui qui conteste le respect, par une organisation syndicale, des valeurs républicaines, d’apporter la preuve de sa contestation, la Haute juridiction écarte manifestement cette application.

Ce rejet est assez logique puisque le bénéfice de cet article est reconnu à une liste de demandeur précis, à savoir : « le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié ». Seuls ces demandeurs peuvent ainsi obtenir une présomption légale laissant alors l'employeur démontrer que sa décision est justifiée. Or la CGT ne faisant pas parti de la liste des demandeurs et le STC n'étant d'autant plus pas un employeur, le bénéfice de l'article n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce. 

Quant à l’article L. 1134-2 du Code du travail, il reconnait aux syndicats un droit d’action en justice en cas de discrimination. En son alinéa 2, celui-ci dispose que : « Elles peuvent exercer ces actions en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise, ou d'un salarié, dans les conditions prévues par l’article L. 1134-1 ». Mais l'article s'appliquant toujours dans le cadre d'une discrimination émanant d'un employeur, la CGT ne peut s'en prévaloir à l'encontre d'un syndicat, le STC.

De plus, la procédure de l'article L. 1134-1 du Code du travail vise à protéger la victime de discrimination en lui facilitant la charge de la preuve, qui est assez difficile à obtenir dans un contexte où la relation entre le salarié et l’employeur est déséquilibrée. Où l’une des parties disposent de l’ensemble des documents de l’entreprise, d’un ascendant sur les éventuels témoins, etc. C'est en cela qu'il y a un tel aménagement de la preuve.

Pourtant, l'article 2, 2° de la loi du 27 mai 2008[27] interdit toute action syndicale discriminatoire sauf à rapporter la preuve par le syndicat, de la légitimité et de la proportionnalité de son action, expose Yannick Pagnerre[28].

Le Défenseur des Droits[29] démontre de plus que les revendications du STC ont abouties dans certaines entreprises, afin que celles-ci appliquent la « corsisation des emplois » préconisée par le syndicat.

L'article précédemment cité affirme précisément que « les discriminations directes ou indirectes fondées sur l'origine sont interdites en matière d'accès à l'emploi procuré par une organisation syndicale ». Les faits d'espèce semblent donc parfaitement rentrer dans le champ de ladite loi puisque les préconisations du STC ayant abouties dans certaines entreprises, l'accès à l'emploi des salariés non-originaires de la Corse apparaît atteint.

L'article 4 de ladite loi dispose alors que : « Il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Ce qui revient finalement au régime probatoire de l'article L. 1134-1 du Code du travail.

Or l'article 4 dispose également que : « toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence.». Ce qui signifie que le demandeur de l'action doit être la victime elle-même, et non un syndicat.

Un aménagement de l'article L. 1134-2 du Code du travail dans le cadre de l'article 4 aurait alors pu permettre l'aboutissement du grief de la CGT si l'organisation avait fondé son pourvoi sur une telle disposition.

Pourtant, cet aménagement n'ait pas prévu, et ce constat est assez regrettable. Toujours dans un soucis de protection de la liberté syndicale, la législation protège cette liberté fondamentale au détriment des lois relatives à la lutte contre les discriminations en instaurant un régime probatoire complexe et une non-adaptation de ces lois dans le cadre de la contestation du critère du respect des valeurs républicaines.

Le présent arrêt interroge finalement quant à l'articulation entre la protection de la liberté syndicale et la lutte contre les discriminations au regard de la charge de la preuve.






[1] Conformément à la loi n°2010-1215 du 15 octobre 2010 et à l'article L. 2122-10-6 du Code du travail
[2] Conformément à l’article L. 2314-32 du Code du travail qui dispose que : « Les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats en application de l'article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire ».
[3] Le tribunal d'instance juge, en matière de contentieux électoral, en premier et dernier ressort. Seul le recours à un pourvoi en cassation est possible ; article R. 2314-25 du Code du travail ; Cass. soc., 10 oct. 1990, n° 90-60.009, Bull. civ. V, p. 272).
[4] Conformément à l'article L. 431-4 du Code de l'organisation judiciaire qui dispose que : « En cas de cassation, l'affaire est renvoyée, sous réserve des dispositions de l'article L. 411-3, devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats ». 
[5] Article 1 alinéa 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
[6] Article 1 alinéa 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
[7] Article L. 2121-1 du Code du travail                                  
[8] Syndicats - Respect des valeurs républicaines : force et faiblesse d'un critère symbolique - Commentaire par Yannick Pagnerre - La Semaine Juridique Social n° 4, 31 Janvier 2017, 1034
[9] Trésor de la Langue française, V° Prôner, www.cntrl.fr
[10] Par exemple à l’embauche : CJCE, 10 juillet 2008, Feryn, aff. C-54/07.
[11] Transpositions de plusieurs directives de la France relative à la lutte contre les discriminations (la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 (égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique), la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 (cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail), la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 (égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, la formation, la promotion professionnelle et les conditions de travail) et la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’embauche et de travail).
[12] Article 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
[13] Article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789
[14] Céline Chassang, Jacqueline Domenach, Thomas Dumortier, Claire Langlais, Marjolaine Roccati, Morgan Sweeney et Marc Touillier, « Chronique de droit des discriminations (octobre 2016-mars 2017) », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 06 juin 2018, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/revdh/3869 ; DOI : 10.4000/revdh.3869
[15] A. Mazeaud, Droit du travail : LGDJ, 9e éd. 2014, n° 321
[16] Soc. 8 juillet 2009, n° 08-60.599, affaire Véolia, Bull. n°181
[17] Rapport C. cass. 2009, p. 361.
[18] Soc. 13 octobre 2010, n°10-60.130, Bull. 2010, V, n°235
[19] Le terme « probatio diabolica » est un concept juridique et logique qui consiste en une preuve très difficile ou impossible à fournir.
[20] Gwendoline LARDEUX, « Preuve : règles de preuve – Les règles techniques », Répertoire Dalloz, Octobre 2018 (actualisation : Juin 2019).
[21] v. Soc. 8 juill. 2009, n° 08-60.599, Bull. civ. V, n° 181 ; D. 2009. 1980  ; ibid. 2010. 342 et les obs.  ; Dr. soc. 2009. 950, note M.-L. Morin  ; JCP S 2009. 1364, obs. Y. Pagnerre ; 7 juill. 2010, n° 09-60.351 ; JCP S 2010. 1389, note Y. Pagnerre ; 13 oct. 2010, préc

[22] Scrutin dans les TPE : preuve du respect des valeurs républicaines – Bertrand Ines –  Dalloz actualité - 16 janvier 2017

[23] Cass. soc., 9 sept. 2016, n° 16-20.575 : JurisData n° 2016-018122 ; JCP S 2016, 1365, note L. Dauxerre
[25] Cf : B du II
[26] Syndicats - Respect des valeurs républicaines : force et faiblesse d'un critère symbolique - Commentaire par Yannick Pagnerre - La Semaine Juridique Social n° 4, 31 Janvier 2017, 1034
[27] « Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif mentionné à l'article 1er est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle »
[28] Syndicats - Respect des valeurs républicaines : force et faiblesse d'un critère symbolique - Commentaire par Yannick Pagnerre - La Semaine Juridique Social n° 4, 31 Janvier 2017, 1034
[29] Décision du Défenseur des droits du 19 octobre 2016 n° MLD-2016-264

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