Marie Verger
Note de jurisprudence : arrêt Soc du 29
février 2012 n° 11-60203
L’exigence d’une ancienneté
minimale de deux ans, subordonnant l’invitation des syndicats aux négociations
préélectorales, vise à garantir la mise en oeuvre du droit de représentation
des travailleurs et ne nuit aucunement à la liberté de créer ou d’adhérer au
syndicat de son choix.
Par un arrêt du
29 février 2012 (n°11-60203), la chambre sociale de la Cour de Cassation interprète
la condition d’ancienneté minimale de deux ans apposée à l’ancien article
2314-3 du Code Travail, que l’on retrouve actuellement à l’article L 2121-1 4°
du Code du Travail.
Dans cette
affaire, l’Union des syndicats pour un droit social pleinement appliqué aux
salariés (UDSPA-salariés) avait déposé ses statuts en juillet 2010. Un salarié
de l’entreprise souhaitant que des élections professionnelles soient
organisées, l’employeur a envoyé une invitation à chacun des syndicats en vue
de la négociation préélectorale.
Toutefois,
l’employeur, par une lettre en date du 3 mars 2011, a indiqué au syndicat
UDSPA-salariés, qu’il n’était pas convié aux négociations préélectorales de
l’entreprise en raison d’un défaut d’ancienneté minimale de deux ans.
En effet, à
défaut d’ancienneté minimale de deux ans,
le syndicat ne saurait être reconnu représentatif, et en conséquence,
celui-ci ne saurait participer aux négociations préélectorales. C’est notamment
la position retenue par le tribunal d’instance.
La Cour de
Cassation, quant à elle, inscrite dans la lignée jurisprudentielle (A), a
souhaité accentuer l’importance de ce critère de l’ancienneté quant à la
garantie de représentation utile des travailleurs (B)
A- Une position
jurisprudentielle constante
La Cour de
Cassation, dans cet arrêt du 29 février 2012 souligne que l’exigence d’une
ancienneté minimale de deux ans est obligatoire pour qu’un syndicat puisse
prendre part aux négociations préélectorales en vue des élections
professionnelles au sein d’une entreprise.
Cette position
ne fait que rappeler la position initiée par la chambre sociale de la Cour de
Cassation, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité
portant sur les élections des délégués du personnel. Elle avait alors souligné
que l’exigence d’une ancienneté minimale de deux ans subordonnant la
possibilité pour une organisation syndicale de présenter un de ses candidats
aux élections professionnelles est « une condition justifiée et
proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des
travailleurs par l'intermédiaire de leurs représentants et l'exercice par le
syndicat de prérogatives au sein de l'entreprise, sans priver le salarié de la
liberté d'adhérer au syndicat de son choix, ne porte atteinte à aucun des
principes invoqués ». (Soc QPC 20 octobre 2011 n°11-60203).
Cette solution
reprise par la chambre sociale dans l’arrêt commenté du 29 février 2012, a été
étendue en l’espèce à la négociation d’un protocole préélectoral. En effet, par
cet arrêt il est possible de notifier qu’un syndicat se doit de revêtir une
ancienneté minimale de deux ans s’il souhaite participer aux négociations
préélectorales. Par la suite, cette position a été confirmée la même année par
la chambre sociale, dans un arrêt du 10 mai 2012 (n° 11-60235).
Dès lors, il
est possible de souligner que ce critère d’ancienneté est déterminant pour le
syndicat, dans le cas où celui-ci souhaiterait jouir pleinement de ses
prérogatives. Néanmoins, la Cour de Cassation justifie cette limitation en ce
qu’elle permet de préserver la garantie de représentation des travailleurs .
B- Une
exigence minimale d’ancienneté : la garantie d’une représentation utile
La Haute juridiction a affirmé
que cette exigence d’ancienneté minimale de deux ans, ne devait pas être
regardée comme une limitation à la liberté syndicale mais plutôt comme la
garantie d’une bonne représentation..
En effet, il est possible de
souligner que cette ancienneté minimale de deux ans, reste effectivement
« justifiée et proportionnée », de telle manière qu’elle tend à
limiter la représentation d’un trop grand nombre de syndicats et vise à éviter
en conséquence un éparpillement des votes des travailleurs, qui se traduirait
par une mauvaise représentation de ceux-ci. (Représentativité syndicale
D2011-2733, B Ines)
De ce point de vue et pour une
bonne représentation des travailleurs, cette application casuistique du critère
de l’ancienneté par la Cour de Cassation apparait opportun.
Egalement, la Cour de
Cassation, a accentué le principe selon lequel cette exigence d’ancienneté
minimale de deux ans, qui, indirectement restreint la possibilité pour un
syndicat de participer aux négociations préélectorales, n’est pas contraire à
la liberté syndicale de chaque travailleur.
Toutefois, il est possible de
souligner une certaine nuance quant au respect total de cette liberté, de telle
manière qu’à défaut d’ancienneté de deux ans, le syndicat ne pourra être
présent au moment des négociations préélectorales. En effet, à défaut d‘être
représentatif, l’adhésion par un travailleur à un syndicat est sans réelle
opportunité, de telle manière que le syndicat
ne saurait jouer un rôle important au sein de l’entreprise.
Finalement, il apparait, au
travers de cet arrêt que la qualité de syndicat représentatif semble être plus
obligatoire qu’utile pour un syndicat, lorsque celui-ci souhaiterait jouir de
ses droits et être présent au sein de l’entreprise. Et surtout, concernant le
critère de l’ancienneté, celui-ci ne saurait être regardé comme un critère
subsidiaire de la représentativité, de telle façon qu’il devra être rempli si
le syndicat souhaite être, comme en l’espèce, inviter à la table des
négociations.
Fiche d’arrêt
Il s’agit d’un arrêt de rejet
rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 29 février 2012
appréciant le critère de l’ancienneté minimale de deux ans subordonnant le
caractère représentatif d’un syndicat.
L’Union des syndicats pour un droit
social pleinement appliqué aux salariés (UDSPA-salariés) avait déposé ses
statuts en juillet 2010. Un salarié de l’entreprise souhaitant que des
élections professionnelles soient organisées, l’employeur a envoyé une
invitation à chacun des syndicats en vue de la négociation préélectorale.
Toutefois,
l’employeur, par une lettre en date du 3 mars 2011, a indiqué au syndicat UDSPA-salariés,
qu’il n’était pas convié aux négociations préélectorales de l’entreprise en
raison d’un défaut d’ancienneté minimale de deux ans.
Suite à un
jugement de première instance, en date du 4 juin 2011, le tribunal d’instance
d’Aubervillers a indiqué, sur le premier moyen, que le syndicat UDSPA-salariés
ne pouvait participer aux négociations préélectorales en raison de son défaut
d’ancienneté minimale de deux ans; et par voie de conséquence, sur le second
moyen, il a rejeté la demande du syndicat en dommages et intérêts.
Le syndicat forme un pourvoi en
cassation, en soulignant que l’ancien article L 2314-3 du Code du Travail
posant une condition d’ancienneté de deux ans pour que les organisations
syndicales soient invitées à négocier le protocole préélectorale est contraire
à de nombreux textes internationaux. Le syndicat souligne notamment que la
disposition de l’article est contraire aux articles 2, 5, 22 et 26 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 2,
7, 23, 29, 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948, 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de la convention de l’Organisation
internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du
droit syndical, 5 A, E et G de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai
1996, 11, 14, 18 et 53 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme, aux articles 12, 20, 21, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne, le principe européen selon lequel “le syndicat doit être
libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur de ce
qu’il a à dire au nom de ses membres” et au principe européen selon lequel “la
démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité
mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui
évite tout abus d’une position dominante”.
Le critère d’ancienneté minimale
de deux ans, subordonnant l’invitation pour les syndicats à la négociation
préélectorale, est-il contraire aux normes internationales relatives à la
liberté syndicale?
La Cour de Cassation, dans son
arrêt du 29 février 2012 souligne que l’exigence d’une ancienneté minimale de
deux ans subordonnant l’invitation d’une organisation syndicale à la
négociation du protocole préélectorale « constitue une condition justifiée
et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des
travailleurs » et « nuit pas à la liberté de créer un syndicat ou d’adhérer
au syndicat de son choix » de telle manière que cette exigence ne porte
pas atteinte aux normes susvisés dans le moyen, celui-ci n’étant par conséquent
pas fondé ; également la haute juridiction considère que le second moyen
relatif à l’attribution de D&I est infondé également. Ainsi elle rejette le
pourvoi.
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