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mardi 24 septembre 2019

Critère de la représentativité - Ancienneté


Marie Verger

Note de jurisprudence : arrêt Soc du 29 février 2012 n° 11-60203

L’exigence d’une ancienneté minimale de deux ans, subordonnant l’invitation des syndicats aux négociations préélectorales, vise à garantir la mise en oeuvre du droit de représentation des travailleurs et ne nuit aucunement à la liberté de créer ou d’adhérer au syndicat de son choix.

Par un arrêt du 29 février 2012 (n°11-60203), la chambre sociale de la Cour de Cassation interprète la condition d’ancienneté minimale de deux ans apposée à l’ancien article 2314-3 du Code Travail, que l’on retrouve actuellement à l’article L 2121-1 4° du Code du Travail.

Dans cette affaire, l’Union des syndicats pour un droit social pleinement appliqué aux salariés (UDSPA-salariés) avait déposé ses statuts en juillet 2010. Un salarié de l’entreprise souhaitant que des élections professionnelles soient organisées, l’employeur a envoyé une invitation à chacun des syndicats en vue de la négociation préélectorale.
Toutefois, l’employeur, par une lettre en date du 3 mars 2011, a indiqué au syndicat UDSPA-salariés, qu’il n’était pas convié aux négociations préélectorales de l’entreprise en raison d’un défaut d’ancienneté minimale de deux ans. 
En effet, à défaut d’ancienneté minimale de deux ans,  le syndicat ne saurait être reconnu représentatif, et en conséquence, celui-ci ne saurait participer aux négociations préélectorales. C’est notamment la position retenue par le tribunal d’instance.

La Cour de Cassation, quant à elle, inscrite dans la lignée jurisprudentielle (A), a souhaité accentuer l’importance de ce critère de l’ancienneté quant à la garantie de représentation utile des travailleurs (B)

A- Une position jurisprudentielle constante

La Cour de Cassation, dans cet arrêt du 29 février 2012 souligne que l’exigence d’une ancienneté minimale de deux ans est obligatoire pour qu’un syndicat puisse prendre part aux négociations préélectorales en vue des élections professionnelles au sein d’une entreprise.

Cette position ne fait que rappeler la position initiée par la chambre sociale de la Cour de Cassation, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les élections des délégués du personnel. Elle avait alors souligné que l’exigence d’une ancienneté minimale de deux ans subordonnant la possibilité pour une organisation syndicale de présenter un de ses candidats aux élections professionnelles est « une condition justifiée et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs représentants et l'exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l'entreprise, sans priver le salarié de la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, ne porte atteinte à aucun des principes invoqués ». (Soc QPC 20 octobre 2011 n°11-60203).

Cette solution reprise par la chambre sociale dans l’arrêt commenté du 29 février 2012, a été étendue en l’espèce à la négociation d’un protocole préélectoral. En effet, par cet arrêt il est possible de notifier qu’un syndicat se doit de revêtir une ancienneté minimale de deux ans s’il souhaite participer aux négociations préélectorales. Par la suite, cette position a été confirmée la même année par la chambre sociale, dans un arrêt du 10 mai 2012 (n° 11-60235).

Dès lors, il est possible de souligner que ce critère d’ancienneté est déterminant pour le syndicat, dans le cas où celui-ci souhaiterait jouir pleinement de ses prérogatives. Néanmoins, la Cour de Cassation justifie cette limitation en ce qu’elle permet de préserver la garantie de représentation des travailleurs .

B- Une exigence minimale d’ancienneté : la garantie d’une représentation utile

La Haute juridiction a affirmé que cette exigence d’ancienneté minimale de deux ans, ne devait pas être regardée comme une limitation à la liberté syndicale mais plutôt comme la garantie d’une bonne représentation..
En effet, il est possible de souligner que cette ancienneté minimale de deux ans, reste effectivement « justifiée et proportionnée », de telle manière qu’elle tend à limiter la représentation d’un trop grand nombre de syndicats et vise à éviter en conséquence un éparpillement des votes des travailleurs, qui se traduirait par une mauvaise représentation de ceux-ci. (Représentativité syndicale D2011-2733, B Ines)
De ce point de vue et pour une bonne représentation des travailleurs, cette application casuistique du critère de l’ancienneté par la Cour de Cassation apparait opportun.

Egalement, la Cour de Cassation, a accentué le principe selon lequel cette exigence d’ancienneté minimale de deux ans, qui, indirectement restreint la possibilité pour un syndicat de participer aux négociations préélectorales, n’est pas contraire à la liberté syndicale de chaque travailleur.
Toutefois, il est possible de souligner une certaine nuance quant au respect total de cette liberté, de telle manière qu’à défaut d’ancienneté de deux ans, le syndicat ne pourra être présent au moment des négociations préélectorales. En effet, à défaut d‘être représentatif, l’adhésion par un travailleur à un syndicat est sans réelle opportunité, de telle manière que le syndicat ne saurait jouer un rôle important au sein de l’entreprise.

Finalement, il apparait, au travers de cet arrêt que la qualité de syndicat représentatif semble être plus obligatoire qu’utile pour un syndicat, lorsque celui-ci souhaiterait jouir de ses droits et être présent au sein de l’entreprise. Et surtout, concernant le critère de l’ancienneté, celui-ci ne saurait être regardé comme un critère subsidiaire de la représentativité, de telle façon qu’il devra être rempli si le syndicat souhaite être, comme en l’espèce, inviter à la table des négociations.


Fiche d’arrêt

Il s’agit d’un arrêt de rejet rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 29 février 2012 appréciant le critère de l’ancienneté minimale de deux ans subordonnant le caractère représentatif d’un syndicat.

L’Union des syndicats pour un droit social pleinement appliqué aux salariés (UDSPA-salariés) avait déposé ses statuts en juillet 2010. Un salarié de l’entreprise souhaitant que des élections professionnelles soient organisées, l’employeur a envoyé une invitation à chacun des syndicats en vue de la négociation préélectorale.
Toutefois, l’employeur, par une lettre en date du 3 mars 2011, a indiqué au syndicat UDSPA-salariés, qu’il n’était pas convié aux négociations préélectorales de l’entreprise en raison d’un défaut d’ancienneté minimale de deux ans. 

Suite à un jugement de première instance, en date du 4 juin 2011, le tribunal d’instance d’Aubervillers a indiqué, sur le premier moyen, que le syndicat UDSPA-salariés ne pouvait participer aux négociations préélectorales en raison de son défaut d’ancienneté minimale de deux ans; et par voie de conséquence, sur le second moyen, il a rejeté la demande du syndicat en dommages et intérêts.
Le syndicat forme un pourvoi en cassation, en soulignant que l’ancien article L 2314-3 du Code du Travail posant une condition d’ancienneté de deux ans pour que les organisations syndicales soient invitées à négocier le protocole préélectorale est contraire à de nombreux textes internationaux. Le syndicat souligne notamment que la disposition de l’article est contraire aux articles 2, 5, 22 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 2, 7, 23, 29, 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de la convention de l’Organisation internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 5 A, E et G de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996, 11, 14, 18 et 53 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, aux articles 12, 20, 21, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le principe européen selon lequel “le syndicat doit être libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur de ce qu’il a à dire au nom de ses membres” et au principe européen selon lequel “la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante”.

Le critère d’ancienneté minimale de deux ans, subordonnant l’invitation pour les syndicats à la négociation préélectorale, est-il contraire aux normes internationales relatives à la liberté syndicale?

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 29 février 2012 souligne que l’exigence d’une ancienneté minimale de deux ans subordonnant l’invitation d’une organisation syndicale à la négociation du protocole préélectorale « constitue une condition justifiée et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des travailleurs » et « nuit pas à la liberté de créer un syndicat ou d’adhérer au syndicat de son choix » de telle manière que cette exigence ne porte pas atteinte aux normes susvisés dans le moyen, celui-ci n’étant par conséquent pas fondé ; également la haute juridiction considère que le second moyen relatif à l’attribution de D&I est infondé également. Ainsi elle rejette le pourvoi.


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