Léa
BOUTON
La validité d’un
dispositif facultatif d’appréciation des compétences mises en œuvre dans
l’exercice du mandat des représentants du personnel par l’employeur
En
l’espèce, un syndicat demande que soit déclaré illégal un accord conclu avec
d’autres syndicats, représentant 60% des salariés qui prévoit pour
l’accompagnement d’un salarié délégué syndical, un entretien d’appréciation des
compétences et d’évaluation professionnelle.
L’article
L. 2141-5 du Code du travail, interdit à l’employeur de prendre en
considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité
syndicale pour prendre ses décisions en matière notamment de recrutement, de
conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle,
d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de
discipline et de rupture du contrat de travail.
Néanmoins,
toujours par l’article L.2141-5, la loi permet, par accord collectif, de
définir les modalités de prise en compte de l’expérience acquise par les
représentants du personnel dans l’exercice de leurs mandats. Cet accord prend
ainsi, en compte l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice de mandats,
par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution
professionnelle.
En
l’espèce, un accord collectif prévoyait un entretien d’appréciation des
compétences et d’évaluation professionnelle ayant pour objet de procéder à une
évaluation des compétences mobilisées par les représentants du personnel dans
l’exercice de leurs mandats. Les salariés étaient intégrés dans le cadre de la
gestion de carrière et du parcours professionnel des salariés.
La
Haute juridiction devait donc déterminer si l’accord était contraire à
l’interdiction de prendre en considération l’exercice d’une activité syndicale.
La
chambre sociale va reconnaître la validité de cet accord collectif qui prévoit
un dispositif facultatif d’appréciation des compétences mises en œuvre dans
l’exercice du mandat des représentants du personnel, par l’employeur.
En
effet, elle va reconnaître pour la première fois, ce type d’accord permettant
la valorisation de l’expérience acquise par le salarié titulaire du mandat,
considérant que « pour la prise en compte dans son évolution professionnelle de
l’expérience acquise par le salarié dans l’exercice de ses mandats
représentatifs ou syndicaux, un accord collectif peut prévoir un dispositif,
facultatif pour l’intéressé, permettant une appréciation par l’employeur, en
association avec l’organisation syndicale, des compétences mises en œuvre dans
l’exercice du mandat, susceptible de donner lieu à une offre de formation et
dont l’analyse est destinée à être intégrée dans l’évolution de carrière du
salarié ».
La Cour va, néanmoins, mentionner à quelles conditions
l’employeur peut élaborer unilatéralement un référentiel de compétences après
négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise,
rappelant que l’employeur est tenu en tout état de cause dans la mise en œuvre
de l’accord, au respect de la loi. En effet, le dispositif d’évaluation prévu
par accord collectif, n’échappe pas à un contrôle judiciaire.
Le
protocole préélectoral est nul si la négociation n’a pas été menée loyalement
Le
manquement de l’employeur à l’obligation de négociation loyale du protocole préélectoral
est une cause de nullité de ce dernier, précise la Cour de cassation dans un
arrêt du 9 octobre 2019 qui conclut à l’annulation des élections du CSE au
motif que l’employeur avait refusé de transmettre à l’un des participants à la
négociation les éléments nécessaires au contrôle de la répartition du personnel
et des sièges entre les collèges.
En
effet, l’employeur se doit de mener loyalement les négociations d’un accord
préélectoral notamment en mettant à disposition des organisations participant à
la négociation les éléments d’information indispensables à celle-ci.
Ainsi,
si la contestation du protocole préélectoral a été introduite judiciairement
avant le premier tour des élections, ou postérieurement par un syndicat n’ayant
pas signé le protocole et ayant émis des réserves expresses avant de présenter
des candidats, le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une
cause de nullité de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux
conditions de validité prévues par l’article L.2314-6 du Code du travail.
L’obligation
de loyauté doit présider à la négociation du protocole d’accord pré-électoral.
Le principe n’est pas nouveau et la jurisprudence l’applique régulièrement pour
rappeler que l’employeur se doit de fournir aux organisations syndicales toutes
les informations permettant de négocier utilement le contenu de l’accord.
Par
cet arrêt, la Haute juridiction rappelle l’intérêt de clarifier le régime de
sanction applicable en cas de manquement de l’employeur à son obligation de
loyauté. En effet, s’agissant d’une obligation substantielle, le protocole
pré-électoral encourt ainsi la nullité.
L’arrêt
du 9 octobre 2019 rappelle ainsi que « l’employeur est tenu de mener loyalement
les négociations d’un protocole préélectoral notamment en mettant à disposition
des organisations participant à la négociation les éléments d’information
indispensables à celles-ci ».
La
Cour de cassation admet pour la première fois, la possibilité d’obtenir
l’annulation d’un protocole valide au regard des conditions de majorité, mais
irrégulier au regard des conditions de sa négociation. Par conséquent, « le
manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité
de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux conditions de
validité prévues par l’article L. 2314-6 du Code du travail ».
La
chambre sociale précise cependant, que cette contestation du protocole doit
avoir été introduite judiciairement « avant le premier tour des élections, ou
postérieurement par un syndicat n’ayant pas signé le protocole et ayant émis
des réserves expresses avant de présenter des candidats ».
Ainsi, en l’espèce, la contestation étant recevable, la Cour
de cassation a donc approuvé la décision d’annulation du protocole d’accord
préélectoral par le tribunal d’instance, entraînant l’annulation des élections
menées sur ce fondement.
La
notification de la demande de référendum au seul employeur ne rend pas la
procédure irrégulière
Dans
un arrêt du 9 octobre 2019, la Cour de cassation rappelle la « procédure de
rattrapage » par référendum lorsque la condition de majorité pour la validité
d'un accord n'est pas remplie et précise qu'il n'est pas nécessaire que la
demande de consultation des salariés faite par un syndicat soit notifiée aux
autres organisations syndicales représentatives.
L’article
L2232-12 al 1er, prévoit que la validité d'un accord d'entreprise ou
d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou
son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de
salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en
faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections
des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.
Néanmoins,
pour une plus grande facilité de déroulement des élections une validation de
l’accord par référendum est possible. L’alinéa 2, précise que si cette
condition de majorité n'est pas remplie mais que l'accord est signé par des
organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des
suffrages valablement exprimés en faveur des organisations syndicales
représentatives, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de
30 % des suffrages peuvent solliciter l’organisation d’un référendum visant à
valider l'accord.
Par
cet arrêt la Cour va reconnaître la régularité de la demande formée, en
application de l'article L 2232-12 al. 2 du Code du travail, par un ou
plusieurs syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, aux
fins d'organisation d'une consultation des salariés pour valider un accord
signé par les organisations syndicales représentatives représentant plus de 30
% des suffrages exprimés. En effet, la Cour va considérer que « n'est pas
subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales
représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais
prévus à l'alinéa suivant. »
Ainsi, en l'absence de notification par le syndicat à
l'origine de la demande, l'information donnée par l'employeur de cette demande
aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un
manquement à l'obligation de neutralité de l'employeur.
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